HANS JOACHIM « Jochen » MARSEILLE
Les pilotes et les aviateurs| Pilote de chasse Seconde guerre mondiale, Première guerre mondiale, US Air Force, USA
William Avery « Billy » Bishop : le Faucon solitaire
Geoffrey de Havilland : un des fondateurs de l'aéronautique britannique
René Fonck : aviateur et homme politique
HANS JOACHIM « Jochen »
MARSEILLE
Le Virtuose(Texte de ChristopheBlanc)
Pour qui s’intéresse un tant soit peu à la seconde guerre mondiale, Hans Joachim Marseille est le pilote allemand qui a remporté le plus grand nombre de victoires confirmées contre des appareils
et des pilotes de la RAF : 16 Spitfires, 4 blenheims, 30 Hurricanes et 101 P-40 Kittyhawks.
Mais il laissera une empreinte ineffaçable dans l’histoire de l’aviation par l’exploit incroyable qu’il réalisa le 1er Septembre 1942 : 17 victoires en un seul jour. Il fut le plus jeune capitaine
de la Luftwaffe et aussi le plus décoré. Pour tous ceux qui l’approchèrent, il fut tout simplement le plus grand pilote de chasse de tous les temps.
Erich Hartmann, l’as des as de 1939/1945 (352 victoires) déclara un jour avec franchise :
« Je ne me considère pas personnellement comme le meilleur. Le meilleur d’entre nous tous, ce fut Marseille ».
Son épopée extraordinaire, pourtant, ne dura que deux ans.
Hans Joachim Marseille vint au monde dans un pays dévasté par la défaite. Il naquit à Berlin-Charlottenburg le 13 Décembre 1919 d’un père officier qui revenait des tranchées et d’une
mère, femme douce et incapable de sévérité, qui compta toujours beaucoup pour lui. Sa première enfance se passa dans les casernes de la Reichswehr, cette armée de 100 000 hommes
autorisée par la traité de Versailles, où son père avait pu se maintenir. Comme beaucoup de Huguenots descendants des français qui avaient émigrés en Prusse 200 ans plus tôt, les
Marseille avaient choisi le métier des armes. Le destin du jeune « Jochen » était tout tracé. Il serait un jour officier comme son père. Ce même père, le Général Marseille qui fut fait prisonnier à Stalingrad en 1943 avec les débris de la 6ème Armée. Jochen » Marseille n’eut que peu de contacts avec lui puisque ses parents divorcèrent alors qu’il avait une dizaine d’année. Sa mère se remaria avec un policier et « Jochen » à qui on avait toujours tout passé, découvrit pour la première fois de sa vie qu’il était rebelle à toute forme de discipline. Au
fil du temps, l’adolescent bohème devint la bête noire de son beau-père et le climat familial devint très lourd. Devenu instable et bagarreur, « Jochen » préférait la rue au collège, dont il était d’ailleurs renvoyé régulièrement. Au grand désespoir de sa mère, il s’encanaillait avec les bandes de garnements pauvres qui écumaient les bas fonds de Berlin et où il était comme un Prince parmi les gueux. Parfois son chemin passait par l’aéroport de Tempelhoff et peu à peu, deux rêves se formèrent dans son esprit : Piloter et devenir une célébrité.
La guerre allait lui fournir les deux.
Deux mois après le début de la guerre, il devança l’appel à 19 ans et se porta volontaire pour la Luftwaffe qui à ses yeux pouvait seule étancher sa soif de gloire. Il parvint par un travail acharné à réussir les concours de sélection et lors de la visite médicale d’incorporation il étonna beaucoup les médecins par son acuité visuelle exceptionnelle : 12 sur 10 !
Ce n’est pas sans fierté que le 7 Novembre 1939, il passa le portail de l’ancienne école de pilotage de la Lufthansa de Berlin, rebaptisée pour l’occasion Luftwaffe Schule – Luftkreiskommando II. Il y était… Quelques jours après son vingtième anniversaire, il connut l’ivresse de son premier lâché sur un Messerschmitt 109 modèle B de l’école. Il avait réussit son premier pari : Il pilotait. Son uniforme d’élève sous-officier le comblait de fierté et déjà, il ne se lassait pas d’en mesurer les effets sur les jeunes berlinoises…En ce début 1940, le front ouest était toujours calme -c’était la drôle de guerre- et le jeune élève pilote priait pour que surtout, « ça ne démarre pas sans lui ». Malheureusement, ce fut le cas le 10 Mai 1940 à un mois de l’examen final : il enrageait. Déjà les journaux que les élèves pilotes s’arrachaient commençaient à parler de pilotes comme Mölders, ou Galland. Ah ! Galland, un huguenot, comme lui… Il quitta l’école de Berlin au moment où tout était fini en France. Ses rêves de victoires et de premières pages s’éclipsaient. Comme d’autres élèves de sa promotion, il fut affecté au Lehr Geschwader 2, escadre d’instruction opérationnelle, et plus particulièrement à son escadrille de chasse, la 1 (J) LG2 qui venait de participer activement à la campagne de France. S’il fut enthousiaste à son arrivée d’écouter les anciens raconter les combats de l’opération « Paula », il fut quand même un peu surpris de les entendre aussi raconter comment un beau soir, égarés avec leurs camions dans une forêt tenue p ar les Français, ils se retranchèrent farouchement dans ce qui s’avéra être une maison close, et comment ils y luttèrent héroïquement jusqu’à la dernière bouteille. Parmi les anciens qui instruisaient la trentaine de nouveaux venus, l’un deux fascinait littéralement le jeune Aspirant Marseille : l’Oberleutnant Herbert Ihlefeld. Cet ancien de la Légion Condor où il avait remporté 7 victoires, avait suivi le LG 2 depuis la Poméranie jusqu’à la Manche et sur son passage, il avait laissé un grand nombre de carcasses fumantes.
Et il ne manquait pas d’augmenter son score contre la RAF chaque fois qu’une occasion se présentait. Lorsque le 13 Septembre 1940, devant toute l’escadre, Ihlefeld reçut du Feldmarschall Goering la Croix de Chevalier pour sa trentième victoire, Marseille n’y tint plus. Il demanda aussitôt sa mutation en escadre de chasse. Sa demande fut refusée. Il sollicita alors une entrevue avec son commandant d’unité, le Capitaine Hanns Trubenbach. Marseille attaqua avec aplomb.
« Herr Hauptmann, je veux me battre. Vous savez certainement que je suis un es meilleurs pilotes du groupe. Ma place est contre la RAF. Je n’ai pas été formé depuis presque un an pour finir comme ça… à bombarder des Cargos de bananes ! »
En effet, en haut lieu on avait choisi les pilotes du 1 (J) LG2 pour expérimenter sur les convois de la Manche l’efficacité du Me-109E-4/B équipés d’une bombe ventrale de 250 kg. On s’était souvenu à Berlin qu’avant Mai 40, le LG2 basé à Wyck assurait la couverture de la baie de Jade et que donc ses pilotes étaient naturellement doués pour ce genre de mission.
Cela rendait évidemment Marseille fou de rage. Il voyait jour après jour la bataille d’Angleterre décliner d’intensité et désespérait de pouvoir y participer un jour. Bien entendu, Hanns Trubenbach ne céda pas aux supplications désespérées de Marseille. En vieux pilote il savait que rien ne remplace l’expérience. La mort dans l’âme, Marseille ajoutait donc les heures de vol aux heures de vol au-dessus du channel sans jamais voir un seul appareil anglais qui ne soit prit immédiatement en chasse par les appareils de couverture. Pour se défouler, au retour des missions, il lançait
son Me-109 dans des manœuvres acrobatiques folles qui commençaient à impressionner jusqu’aux instructeurs eux-mêmes.
Cependant, un beau matin d’Août 1940, Marseille reçut l’ordre de se présenter chez le Capitaine Trubenbach.
Ah ! Marseille ! » Le jeune berlinois s’aperçut que son Capitaine semblait en grande forme ce matin là.
« Vous vouliez me voir Herr Hauptmann ? »
« Vous le savez bien Herr Hauptmann… »
Le Major Trubenbach marqua un temps d’arrêt qui sembla une éternité à Marseille.
Si ça lui allait ! ! ! Une escadre de chasse, et quelle escadre ! La JG 52, la prunelle des yeux de la Luftwaffe, l’escadre qui remporta le plus grand nombre de victoires de la guerre, 11 000 ! Le soir même, dans les bars du Pas de Calais, le Roi ne fut pas son cousin. Sitôt arrivé, le jeune protégé du Major Trubenbach fut affecté à la 4ème escadrille, commandée par le fameux Johannes « Mackie » Steinhoff ( 176 victoires, dont 28 à l’ouest). Marseille se lança dans la bataille comme un forcené. Volontaire pour tout, son seul but avoué était de rattraper les semaines perdues et de « scorer » le plus vite possible pour rattraper les grands as au-dessus des 50 victoires. En prenant les plus grand risques, au début Septembre, il avait déjà abattu 3 appareils, et plein de fierté, il reçu pour l’occasion la croix de fer de 2ème classe. Le mois suivant, il recevait la croix de fer de 1ere classe. Une chance aussi insolente avait été récompensée par la croix allemande d’Argent des blessés. S’il se distingua pour son courage, il se distingua également par le nombre considérable de rapports disciplinaires dont il fut l’objet : Abandon de la formation en vol, abandon de son leader, retards répétés aux décollages, disparitions inexplicables de la base plusieurs jours, cheveux trop long, tenues excentriques, etc.… Son Chef d’escadrille, « Mackie » Steinhoff bouillait littéralement lorsqu’on lui annonçait que Marseille n’était pas en état de voler. En vol c’était encore pire, dés qu’il voyait un anglais, Marseille abandonnait tout le monde, et ne revenait que
lorsqu’il avait eu son anglais… ou avait été repêché en mer. classe pour sa 7 victoire. Mais prenant des risques fous pour arriver à descendre ses adversaires à bout portant, il avait été lui même été descendu 4 fois, sans blessures graves toutefois.
Un jour ce fut trop : Il fut interdit de vol et chassé de la JG 52.
Mackie Steinhoff se souvient :
« Marseille était immédiatement sympathique. C’était un pilote né, mais on ne pouvait absolument pas compter sur lui. Il avait fait des conquêtes partout, et elles le fatiguaient tellement que,
souvent, il était trop épuisé le matin pour prendre l’air. Son comportement irresponsable a été la principale raison pour laquelle je l’ai renvoyé. Pourtant, il y avait un je-ne-sais-quoi d’irrésistible dans sa personnalité. »
Mis en disponibilité et échappant de peu au conseil de guerre, on finit par oublier son cas à Berlin et pendant 6 mois, pour le jeune homme meurtri dans son orgueil, ce fut l’attente et l’indignation.
pour soulager les italiens qui sont mitraillés jour et nuit par la RAF. Connaissez-vous un officier qui pourrait mener cette mission à bien, quelqu’un de nos anciennes colonies peut-être ? »
Galland ne put que sourire dans sa moustache à la « bel ami ». Un nom s’imposait de lui-même : Helmut Riegel. Pour ceux qui avaient fait la campagne de France et d’Angleterre, le caractère fantasque du Hauptmann Riegel était légendaire. Il faisait de la « Kolonie » comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.
Officier à la JG 27, sa passion pour les anciennes colonies était telle que par exemple, il avait dessiné un nouvel insigne pour la première escadrille : Le continent africain, un noir et une tête de tigre dans un cercle. A la deuxième, on avait poussé le zèle jusqu’à peindre sur chaque nez d’avion le nom d’une colonie. Ainsi, au parking, « Cameroun » voisinait avec « Samoa » et « Togo ».A cette époque, la JG 27 sous les ordres de Wolfgang Schellmann était en opération dans les Balkans. Naturellement, on pensa à la première escadrille « Afrika » pour être envoyée à titre expérimental en
Lybie.Hélas pour lui, Riegel, trop vieux, fut écarté. Son jeune adjoint, Eduard Neumann fut ravi de pouvoir quitter l’hiver froid et humide des Balkans où il ne se passait pas grand chose
depuis que la Luftwaffe avait anéanti les yougoslaves au sol dès les premiers jours.
« En plus, lui assura le Major Schellmann, vous allez recevoir des 109 E-7 spéciaux flambant neufs qui sont déjà dans les bateaux et que vous retrouverez sur la base de Gazala où les italiens vont vous faire de la place ».
« Edu » Neumann signala quand même à son Chef direct, qu’avec les malades, les transferts et les permissionnaires, il n’aurait jamais le nombre de pilotes voulu à temps. L’information arriva jusqu’à Berlin où on se rappela soudain de ce jeune as de 21 ans renvoyé pour indiscipline et dont personne ne voulait depuis 6 mois. Qu’il parte pour l’Afrique puisque Neumann manque de pilotes confirmés. Au moins là-bas, ce ne sont pas les gretschen qui le distrairont ».
C’est ainsi que Berlin se débarrassa de son play-boy volant pour une contrée où l’on pensait bien ne plus jamais entendre parler de lui. Le dossier personnel de Marseille l’avait précédé à Gazala. Aussi le berlinois fut-il reçu très fraîchement par son Chef, Edu Neumann et ses futurs camarades. Il se mit d’ailleurs tout le monde à dos en quelques jours par ses vantardises perpétuelles. Il ne cessait de se comparer aux stars d’Hollywood dont il copiait les attitudes, et se prétendait sans cesse le meilleur pilote de l’escadrille.
La I/JG 27 eut rapidement du travail. Rommel fonçant vers l’Est enait d’arriver au port de Tobrouk où les anglais résistaient avec une énergie incroyable. La Luftwaffe avait également envoyé en évaluation sur ce théâtre le 2/STG2, une unité de Stukas dont les Me-109 assuraient la protection rapprochée.
Marseille voyait venir la bataille avec délectation et annonçait à qui voulait bien l’écouter qu’il serait bien vite le plus grand as du groupe. Mais lors d’une des premières sorties, il se fit abattre comme un bleu par le Sous-Lieutenant Denis, un pilote français libre. Quelques français, refusant la défaite s’étaient retrouvés à Amriya où ils avaient constitué l’escadrille N°1 du free french squadron 341 « Alsace », le 27 Août.
Sous les ordres du Sous-Lieutenant Denis, après avoir échangés leurs Moranes MS 406 contre des Hurricanes, ils avaient été incorporés au squadron 73 de la RAF à Tobrouk où leur adversaire direct était le I/ JG27 de Gazala.
Le 7 Avril 1941, en fin d’après-midi, les français du flight C tombèrent sur un groupe de Messerschmidt 109 en maraude au-dessus de Tobrouk. Denis, tout de suite passant sur leur arrière en abattit un en flamme, puis revenant en virage serré en attaque frontale, il en visa un et déclencha sur lui ses huit mitrailleuses avant que l’allemand ait pu réagir. Denis eut juste le temps de voir le pilote du Me 109 mettre ses mains devant son visage et se baisser par réflexe sur son siège. Bien lui en prit car on retrouva 4 impacts dans la verrière à hauteur de la tête. Marseille, car c’était lui, ne put que se poser sur le ventre un peu plus loin, son appareil percé comme une écumoire. Il fut la risée de tous les autres pilotes à son retour. Humilié, ignoré de ses camarades, lui qui avait tant besoin d’un public, cette 5ème défaite fut pour lui un électrochoc. Pour la première fois de sa vie, il réalisa à quel point il était imbu de lui-même et à quel point il devait changer pour se faire accepter des autres. Se remettant profondément en cause, il décida de devenir un pilote exemplaire.
Il commença par s’habituer progressivement aux conditions de vol en Afrique du Nord qui étaient très différentes de ce qu’il avait connu jusqu’alors. Il se soumit aussi à un entraînement féroce, profitant de chaque retour de mission pour affiner sa maîtrise du Me-109 et ses tactiques de combat. Il s’entraîna énormément au tir en déflection en étudiant les trajectoires de ses traçantes sous tous les angles et à différentes vitesses. Parallèlement, il passa ces semaines de remise en cause à étudier inlassablement les tactiques et les appareils des alliés. Il découvrit ainsi le défaut majeur du P-40 qui avait largement remplacé les biplans « Gladiators » de 1940 sur ce front et qui provenaient d’avions commandés par la France mais confisqués par la RAF après Juin 1940. Marseille nota que juste devant la verrière de pilote, on trouvait un réservoir de glycol (refroidissant hautement inflammable) et dans le prolongement, un réservoir de 60 litres d’huile à haute température. Le tout non blindé. Celui qui serait assez bon tireur pour tirer entre le moteur et le cockpit descendrait son adversaire en quelques coups seulement. Mettant plus tard sa théorie en application, Marseille parvint à abattre 101 P-40 alliés sur les 158 victoires de son score final. Durant cette phase importante de sa vie il s’attacha aussi à s’habituer aux effets de la force centrifuge sur la vue. Il habitua ses yeux à rester ouverts dans n’importe quelles conditions, y compris en plein soleil. Transformé, surentraîné, Marseille n’attendit pas longtemps les fruits de tant d’efforts.
30 Mars 1942. Marseille devant une de ses victimes du squadron 274
Air Force avaient pratiquement jeu égal en vitesse horizontale avec les Messerschmitt. 526 Km/h contre 550. Le Hurricane tournait plus sec, tandis que le Messerschmitt grimpait plus vite.
Mais avec le nouveau 109 F4, il leur fallait se battre avec un adversaire capable de voler à 624 km/h. Produite depuis l’automne 1940, la version F avait prioritairement équipée les escadres de
la Manche. Plus lourd que le 109E de 500 kg , le 109F était équipé du nouveau Daimler 601E de 1350 Cv et son rayon d’action passait de 660 à 850 kms. Epuré en aérodynamique, le 109F avait
une gouverne de direction réduite et de nouveaux volets spéciaux. Ses ailerons, plus profonds, étaient plus efficace. Le Me 109F fut de toutes les versions du chasseur allemand, la plus manœuvrable. S’il avait perdu ses mitrailleuses d’ailes, il gardait néanmoins ses mitrailleuses légères de 7.92 de capot et était doté d’un nouveau canon de 20mm à tir rapide MG151 dans l’axe du moteur au lieu de l’ancien 15mm à cadence lente. Pour un fin tireur doublé d’un pilote chevronné, c’était la monture parfaite. Marseille n’eut jamais de meilleur avion que son 109 F4, numéro 14.
Un autre événement se produisit en Septembre 1941. 6 Mois avaient passé depuis l’arrivée du I/JG27 et c’était l’heure d’un premier bilan. Malgré les conditions de maintenance épouvantables
(la poussière pénétrait partout, dans le compartiment moteur et les pièces mobiles) l’expérience était un succès. Par conséquent, toute la JG 27 qui opérait en Russie depuis 3 mois fut envoyée en Afrique. Le 24 Septembre 1941, sur son nouveau Me 109F, Marseille attaqua une formation de Hurricanes anglais au-dessus du port de Tobrouk et il en abattit 5 en quelques minutes. Ce fut le début d’une longue série de victoires multiples.
A partir d’Octobre, les pilotes du JG27 purent se mesurer à une des meilleures unités de la Desert Air Force, Le squadron 112, aux fameuses dents de requin, qui avaient inspiré les Tigres Volants
en chine. Mais les pilotes de ce squadron basé à Sidi Haneish volaient encore sur Curtiss Tomahawk II dont la vitesse de pointe culminait à 555 km/h.
Durant tous les combats de l’automne, le talent de Marseille ne cessa de s’affiner. Les quolibets avaient cessé et le jeune berlinois excentrique était en train de devenir un des meilleurs éléments
de l’escadre.
Le 24 Novembre 1941, il reçut la Croix Allemande en or. Il savait que cette décoration était la dernière étape classique avant la Croix de Chevalier, celle des plus grands as, que l’Allemagne
traitait en héros et que les médias portaient aux nues. Il touchait au but.
Le 22 Février 1942, après 40 semaines en Afrique, il poussait un tonitruant HORRIDO ! dans le micro et demandait aussitôt à ses ailiers :
« Confirmé Jochen ! il s’est écrasé ! c’est ton cinquantième ! »
L’étoile d’Afrique.
La liste de ses victoires grimpait de manière ahurissante. Deux mois après sa décoration par le Maréchal Kesselring, commandant la Luftwaffe sur le front Sud, Marseille atteignait les 75 victoires.
Dix jours plus tard, il avait abattu 16 nouveaux appareils de la RAF et Berlin lui avait décerné les feuilles de Chênes de la Croix de Chevalier. Sa photo était désormais partout. Le 18 Juin 1942, le jeune as aux 91 victoires se heurta à une formation de la RAF et en trois minutes, il remporta 4 autres victoires : 95 ! Marseille savait très bien que sa 100ème victoire qui allait le faire entrer dans le cercle très fermé des « Experten » et allait également s’accompagner de la remise de la Croix de Chevalier avec épées et feuilles de chênes. Ce qui signifiait une permission à Berlin car seul le Chancelier du Reich remettait en personne cette décoration. Aussi était-il particulièrement concentré lorsque le 17 Juin 1942 il monta dans son cockpit pour aller intercepter des chasseurs
bombardiers Sud Africains signalés par radio au-dessus de Bir Hakheim où s’accrochaient désespérément une brigade de français libres. Il lui en fallait 5 ! Des que la mêlée fut complète entre les deux formation, Marseille se jeta sauvagement dans la bataille, virant, tirant, piquant à un rythme affolant que ses propres ailiers ne purent suivre. Observant leur Leutnant à l’écart il le virent médusés, en dix minutes abattre 6 P-40. En 4 mois, « Jochen » Marseille venait de doubler son score. Alors, dans toute l’Allemagne, les tambours de la gloire se mirent à rouler pour le jeune Siegfried de 21 ans. Sa décoration fut officielle le lendemain, et comme il s’y attendait, son Kommodore, « Edu » Neumann l’informa qu’il devait se rendre à Berlin pour être décoré par le Fuhrer.
Il fit rapidement ses au revoir à ses pilotes. En effet, la propagande militaire allemande, soucieuse de conserver en vie ses héros en faisait des stars en tournées dans les usines. Puis d’honnêtes bureaucrates d’Etat-major. Très rares étaient ceux qui obtenait à cette époque victorieuse l’autorisation de retourner au front. Porté au pinacle, devenu Héros National, Marseille fut porté
en triomphe dans tout Berlin. Après avoir passé tout le mois de Juillet à redécouvrir les berlinoises et arroser ses nouveaux galons d’Oberleutnant, il fut invité par le Duce en Août. Rome le réclamait pour lui remettre officiellement la Médaille d’or de la Bravoure, une décoration qui ne fut décernée que 3 fois pendant toute la guerre. Il passa néanmoins ces semaines de permission en Italie à faire de nouvelles conquêtes féminines et à donner des fêtes si débridées que les échos en parvinrent même jusqu’au Haut Quartier Général qui en fut scandalisé. Contre toute attente, il fut prié manu-militari de rejoindre son unité en Libye où un courrier monumental de ses admiratrices l’attendait. Presque toujours, les enveloppes étaient simplement adressées à « l’étoile d’Afrique ».
La voiture personnelle de Marseille était aussi un phénomène.
Werner Schörr
(61vicoires à la JG27) raconte:
toutes les couleurs. Nous discutâmes le coup devant un café et une bouteille de liqueur italienne. En partant, il sauta dans sa volkswagen, recula, et fonça droit dans ma tente en flanquant
tout par terre. Je le vis partir, éclatant de rire. »
bataille d’El Alamein, qu’il réalisa l’exploit qui le fit entrer dans la légende. Sa formation prit l’air à l’aube pour couvrir une attaque de Stukas du ST/G3. Marseille aperçut soudain un P-40 isolé qui voulait prendre les Stukas à revers. Il se plaça derrière et l’abattit d’une rafale. Soudain, en levant la tête, il vit 6 Spitfires fondre sur lui à 6 heures. Il coupa les gaz, sortit ses volets et amena son appareil à la limite du décrochage, une technique bien à lui. Entraînés par leur vitesse, les spitfires le manquèrent et passèrent devant lui. Remettant les gaz, il rattrapa le dernier et lui lâcha à bout portant une rafale qui le fit littéralement exploser. Toujours dans la queue des autres spitfires, il en visa un, tira en visant le nez et l’envoya percuter le désert. Il sema les 4 autres chasseurs en plongeant. Redressant très bas, il se rendit compte que devant lui, un P-40 essayait de s’enfuir vers l’Est au ras du sol. Le rattrapant à plein moteur, il l’abattit facilement. Il remporta ces 4 victoires entre 8h28 et 8h39. A peine les appareils rentrés, on refit les pleins et on rechargea les armes de bord pour une nouvelle sortie. Les Me 109 assuraient à nouveau la couverture d’une formation de Stukas qui allaient pilonner les premières lignes. Marseille et ses pilotes tombèrent tête baissée dans une importante formation de chasseurs et de bombardiers alliés qui pilonnaient une concentration blindée de l’Afrika Korps.
s’étaient fait massacrer et les bombardiers alliés avaient infligé des pertes très lourdes à Rommel. De retour à sa base, alors qu’il garait son Messerschmitt, Marseille apprit de son mécanicien que le Feldmarschall Kesselring venait d’arriver en tournée d’inspection. Faisant son rapport dans la tente du P.C., Marseille déclara pour la « une » 12 appareils alliés détruit depuis l’aube.
Kesselring resta muet de stupéfaction.
sirènes d’alerte retentirent.
« Escorte de Ju-88 ! Décollage immédiat ! Il faut absolument stopper les anglais avant la nuit ! »
Hans Arnold Stahlschmidt (59 victoires) écrivit dans son journal:
Je luttais jusqu’au dernier gramme de mon énergie, mais chaque fois que je parvenais à m’échapper, la bave au lèvres, épuisé, j’avais encore à nouveau des chasseurs ennemis dans ma queue.
J’ai dû piquer 3 ou 4 fois, mais à chaque fois en redressant, je me suis retrouvé en pleine mêlée. A un moment, j’ai vu que je ne pourrais pas m’en tirer. J’avais manœuvré aux limites de mon appareil mais un spitfire avait réussi à rester quelques mètres derrière moi. Au dernier moment, Marseille l’abattit, à 50 mètres de mon appareil. J’en profitais pour piquer comme un sourd et je redressais. Quelques secondes plus tard, je vis un spitfire se glisser derrière Marseille. Je le visais avec une grande concentration, tirais, et le vis prendre feu.
Le plus jeune capitaine de l’armée allemande eut droit à 2 jours de repos et ne reprit l’air que dans l’après-midi du 6 Septembre. Vers 18h00, sa patrouille rencontra un groupe de chasseursennemis. Marseille en abattit 4 en quelques minutes. Les jours suivants, malgré un épuisement physique de plus en plus lourd, il continua à accumuler les victoires au même rythme. Malgré la fatigue des missions incessantes, du climat, la présence toujours menaçante des commandos anglais, la présence de Marseillerassurait les pilotes dont le moral avait fléchi depuis que deux as du JG27 avaient été abattu : Steinhausen (40 victoires) le 6 et Stahlschmidt (59 victoires), le 7. Le 15 Septembre, Marseille faisait peindre à Quotaifiya sa 150ème marque de victoire sur la queue de son Me109F. De l’avis général, il semblait le mieux placé pour être le premier pilote du monde à atteindre les 200 victoires. Ce jour là, il avait abattu 7 appareils australiens en 11 minutes dans l’après-midi. Le retrait des forces de l’axe qui amorçait le reflux d’El Alamein obligea la JG27 à se replier sur le terrain de Sanyet. De ce mouvement, il résultat pour les pilotes une période de 10 jours de relâche bienvenue et pendant laquelle ils échangèrent leurs vieux 109F contre des Messerschmitts 109G2 flambants neufs. Marseille eut l’occasion de l’essayer en combat le 26 Septembre mais il déchanta un peu. Le Me109G était lourd, virait mal et avait des commandes très lourdes à haute vitesse. De plus, il avait tendance à décrocher en vrille très facilement en dessous de 250 km/h , une vitesse qu’affectionnait beaucoup Marseille en dogfight.
Au rythme où il décimait la Desert Air Force, les paris et les pronostics allaient bon train pour deviner le jour exact où il allait atteindre les 200 victoires. Une dizaine de missions tout au plus. Pourtant quand il se coucha dans sa tente ce soir là, il n’avait plus que 4 jours à vivre.
La Luftwaffe fabriquait des « Experten », la RAF, des squadrons. Toute la différence est là. Des pilotes comme Marseille effectuèrent près de 500 missions, alors que les alliés les leurs à l’arrière comme instructeurs au bout d’une centaine. On pourra aussi, pour nuancer ce score fantastique préciser que si Marseille et les siens volaient sur les appareils les plus modernes que l’Allemagne
pouvait construire, leurs adversaires, eux, pilotaient des Hurricanes, des P-40 et des Spitfires d’anciennes génération. Mais cela ne suffit pas à expliquer les 158 victoires de Marseille. Il était
réellement un pilote surdoué et un tacticien de génie.

Marseille à l’entraînement
en chaussures de sport
« Oui, tout le monde savait que personne ne pouvait faire ce qu’il faisait. Personne ne pouvait en faire autant. Quelques uns d’entre nous, comme Stahlschmidt, moi et Rödel ont essayé. Mais lui, c’était un artiste. Marseille était vraiment un artiste. »
Friedrich Körner. 2/JG27 (36 victoires). Marseille était également un tireur d’une précision extraordinaire. Il utilisait en moyenne, 15 coups par avions descendus. Cette économie de munitions suffit à expliquer ses séries de victoires multiples à elle seule. A force de s’entraîner au tir en déflexion, il avait atteint la perfection, étant capable de tirer un adversaire, même quand celui-ci effectuait des manœuvres défensives brutales et que lui-même le poursuivait en virage serré.
Son ailier, le Sergent Rainer Pöttgen : « Ses visées en déflexion étaient incroyables. Chaque fois qu’il tirait, je voyais ses obus percuter d’abord le nez de l’ennemi, puis défiler jusqu’au cockpit. Il ne mettait jamais un coup à côté. »
« ..Il n’y a aucun doute que mon vrai maître fut Marseille. Longtemps, j’ai étudié ses tactiques pour rompre les cercles défensifs anglais, j’ai essayé à mon tour, souvent sans succès. Et finalement, ça a marché… Aucun autre pilote allemand n’était capable de copier les manœuvres de Marseille, mais tous essayaient, et quelques fois, ils arrivaient à casser le cercle. »
Werner Schörr, Fighters over the Desert.
La dernière Mission : 30 Septembre 1942
La nouvelle de la mort de l' »Etoile d’Afrique » fut un tel coup au moral de la JG27 que l’unité fut mise au repos pendant un mois puis retirée d’Afrique. Il est même exact que certains pilotes évoquèrent la thèse du sabotage, ainsi qu’elle figure dans un rapport de l’Intelligence Service, rendu public en 1992. Marseille ne cachait pas ses opinions anti-nazies, surtout depuis qu’il avait vu Hitler en Juin 1942. Durant son séjour en Italie en Août 1942, on sait qu’il eut des contacts avec certains membres de la noblesse anti-fasciste, et qu’il fut même question de faire passer ce symbole vivant à l’Ouest. Aurait-il accepté ? Fut-il éliminé? On ne le saura probablement jamais.
Ce matin là, la formation de Marseille prit l’air à 10h47 pour escorter des Stukas au-dessus de l’Egypte. Il ne rencontrèrent aucun adversaire. Leur mission d’escorte achevée, le contrôle
les dirigea vers Imayid où une formation alliée venait d’être signalée. Ne voyant là non plus personne, Marseille donna le signal du retour qui promettait d’être bien calme.
A 11h35 soudain, Marseille signala à la radio que de la fumée commençait à envahir son habitacle, qu’il avait du mal à voir et à respirer. Une fuite d’huile, se mélangeant au liquide de refroidissement était en train de dégager une fumée hautement toxique. Ses pilotes l’encouragèrent à voler encore deux minutes vers l’Ouest pour repasser en territoire ami.
A 11h39, la fumée épaisse noyait l’habitacle et le pilote était définitivement aveuglé. Haletant, il cria un dernier message : « Je vais sauter ! Je ne peux plus tenir ! »A 600 km/h, il fit brusquement passer son Me109G sur le dos au jugé en larguant sa canopée. Ses ailiers virent avec inquiétude son appareil partir en piqué sur le dos. Le corps du pilote peut être encore conscient quitta le cockpit mais heurta aussitôt la queue de l’appareil. Le parachute ne s’ouvrit pas. Le corps de Hans Joachim Marseille heurta le sol après
une chute libre de 3000 mètres, à 7km de Sidi El Rahman. Deux appareils restèrent en arrière pour guider d’éventuels véhicules vers le corps.En début d’après-midi, Mattias qui était occupé à faire la lessive du jeune officier -Marseille aimait porter des tenues propres en toutes circonstances- quand le son caractéristique
des Messerschmitts de retour se fit entendre. Le personnel au sol s’activa et Matthias s’approcha de la piste avec eux, commençant à chercher des yeux le N°14. Il nota sombrement
que 3 appareils étaient manquant. Il attendait, sachant que Marseille se posait toujours le dernier. Mais le dernier Me 109 se posa sans que le 14 ait atterri.
Tandis que l’ailier de Marseille quittait son cockpit, Mattias vint à sa rencontre. Toute conversation avec les mécaniciens stoppa et Mattias vit que l’ailier avait un visage décomposé de tristesse. Il regarda Mattias dans les yeux et secoua plusieurs fois la tête. Mattias comprit immédiatement. Résigné, il regarda encore l’ailier un moment sans dire un mot puis alla s’asseoir en fixant le ciel sur la roue de secours de la volkswagen de Marseille. A ce moment, les deux derniers avions se posèrent. Marseille fut inhumé au cimetière de Derna avec tous les honneurs militaires Aujourd’hui encore, sur la pyramide qu’on a érigé sur sa tombe, on peut lire le récit laconique de ses exploits.
« En Afrique, il devint ambitieux dans le bon sens du terme et changea complètementde caractère. Il était trop individualiste et trop impatient pour faire un bon leader ou un bon instructeur, mais ses pilotes l’adoraient. Il les protégeait en les ramenant toujours sains et saufs. Il était un mélange de légèreté berlinoise et de Champagne français : Un Gentleman ».
Eduard Neumann.
Marseille à 22 ans : Un jeune homme fatigué.
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Category: Les pilotes et les aviateurs