Chirurgie esthétique : née au creux des guerres ?

 
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La chirurgie esthétique fit ses premiers pas vers le début du 20e siècle. A cette époque, quelques chirurgiens projetaient déjà de se lancer dans un nouveau concept de la chirurgie à savoir opérer sans objectif de traitement, mais seulement à des fins esthétiques. Si le concept était bien là, les faisabilités de la pratique suscitaient de nombreuses questions. Comment la chirurgie peut-elle être réalisée sans traiter, comment gérer la douleur liée aux interventions, qu’est-ce que la chirurgie esthétique pourrait apporter de bien à la société et la pratique pourrait-elle être reconnue officiellement en tant que spécialité chirurgicale un jour ?

Évolution du domaine de l’anesthésie

anesthésie

Au cours du dernier quart du 19e siècle, le domaine de l’anesthésie et de l’asepsie ont fait de grands progrès pour ainsi améliorer les conditions chirurgicales.

Non seulement, ils ont permis aux chirurgiens de réduire le taux de mortalité, mais ils leur ont également permis de multiplier les interventions. Plus les opérations s’enchaînaient, plus les chirurgiens gagnaient en expérience et finalement en spécialités. Alors que certains se spécialisaient en ophtalmologie, d’autres se sont orientés vers la gynécologie, l’urologie, l’ORL, la chirurgie infantile, l’orthopédie, … Qu’ont-ils à voir avec la chirurgie esthétique ? Rien sinon que la maîtrise du risque de mortalité et l’évolution générale de l’anesthésie ont fait naître chez certains professionnels le souhait d’opérer, non plus par nécessité, mais par envie ou caprice.

Autrement dit, ils voulaient pouvoir opérer sur des corps sains qui n’avaient pas besoin de chirurgie d’un point de vue vital ou encore fonctionnel, mais seulement pour embellir ce qu’ils considéraient comme un défaut esthétique.

La naissance de l’anesthésie locale confirme leur orientation

Même si l’anesthésie avait fait de grands progrès, elle restait encore peu maîtrisée. De plus, faire une petite chirurgie sous anesthésie générale n’était pas l’idéal déjà parce qu’elle ne résolvait pas encore totalement la douleur, mais aussi parce qu’elle entraînait des risques chez les patients.

Heureusement, une solution est vite apparue : celle de l’anesthésie locale. Au début, on utilisait la cocaïne pour ses effets anesthésiants, mais celle-ci a ensuite été remplacée par la novocaïne qui s’avérait être moins toxique.

La mise en place de cette nouvelle forme d’anesthésie facilitait encore plus les interventions, car désormais, les chirurgiens pouvaient exercer, non plus forcément à l’hôpital, mais aussi dans leur cabinet privé. Cela s’accompagnait d’autres avantages non négligeables comme l’absence d’hospitalisation, les tarifs plus abordables, les soins plus sûrs puisque les patients n’étaient plus exposés aux risques rattachés à l’anesthésie générale et la discrétion que cela conférait puisque les patients pouvaient se rendre directement auprès des chirurgiens sans passer par les systèmes administratifs fastidieux des établissements hospitaliers.

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La médecine esthétique précède la chirurgie esthétique

Chirurgie esthétique

Alors que la chirurgie esthétique n’était qu’à ses prémices après les évolutions du secteur de l’anesthésie, la médecine esthétique, elle, était déjà bien connue et courante. A cette époque, cette médecine d’un nouveau genre était surtout axée sur le vieillissement.

Des premières techniques nées, on peut citer celle de :

  • Dr Gérard :

Ce dernier a créé, en 1865, une technique pour traiter les « peaux d’orange », les acnés et les vergetures. Elle a été baptisée « dermobrasion de la peau » et consistait en la pulvérisation d’un jet d’eau sous forte pression sur la partie du corps concernée. L’objectif était de poncer la couche superficielle du derme pour rajeunir la peau.

  • La douche filiforme :

Quand vient la période dite de la « belle époque », les techniques pour lutter contre les effets du vieillissement avaient le vent en poupe. D’autres techniques sont donc apparues vers le début du 20e siècle dont l’aquapuncture que l’on pouvait associer à l’électrothérapie. Ces soins étaient surtout octroyés par des instituts de beauté, mais certains hôpitaux en proposaient également.

L’évolution de ces techniques a donné naissance, en 1912, à un appareil baptisé « douche filiforme ». Celle-ci se base sur les techniques d’aquapuncture et visait à traiter la cellulite, la peau d’orange et les peaux grasses. Elle permettait également de relancer la circulation sanguine et de nettoyer la peau du visage en profondeur.

  • L’épilation radiologique :

A ses débuts, cette forme d’épilation a suscité l’engouement auprès des patientes, mais elle perd rapidement son intérêt, car donnait des résultats médiocres.

  • Les extraits glanduleux :

C’est le physiologiste Charles Brown-Séquard qui a lancé cette nouvelle technique qui consiste à injecter des extraits glanduleux au sein de l’organisme. Lesdits extraits étaient prélevés au sein de testicules de chiens et de cochon d’Inde et bien que la technique laisse sceptique, plusieurs personnes, dont le physiologiste lui-même ont confirmé avoir obtenu des effets positifs. La méthode a toutefois été abandonnée assez vite pour ne ressurgir qu’après la Première Guerre Mondiale.

La période entre deux-guerres : la réparation des « gueules cassés »

Au lendemain de la première Grande Guerre, les chirurgiens se sont retrouvés confronter à toutes sortes de mutilations dont une grande majorité de mutilations du visage. Les patients étaient soit des civils victimes de la guerre soit des soldats revenus amochés de la guerre. On les appelait les « gueules cassés ».

Face à ces mutilations, le domaine de la chirurgie a dû plus « réparer » que « traiter ». De fil en aiguille, les chirurgiens ont acquis une forte expérience en matière de chirurgie esthétique du visage, du cou, de la tête, … Ils ont dû mettre au point différentes techniques pour redonner visage humain à ces personnes défigurées par la guerre.

Là encore, diverses spécialisations ont vu le jour, mais c’est surtout la chirurgie ORL qui a gagné en expériences et innovations. Petit à petit, une chirurgie dite reconstructive est née.

Durant cette époque d’entre deux-guerres, elle avait pour vocations de :

  • réparer les dommages occasionnés par la guerre : chirurgie réparatrice
  • réparer les amputations réalisées à l’issue des guerres : chirurgie de retouche

Ces deux objectifs étaient plus axés sur l’esthétique que sur le point de vue médical. La priorité était avant tout de lutter contre la laideur.

La chirurgie reconstructive à deux niveaux

chirurgie esthétique visage

Alors que la chirurgie esthétique était déjà bien ancrée et que les techniques se multipliaient ou s’amélioraient, elle se subdivise en deux branches :

  • la chirurgie d’exérèse qui répare les mutilations occasionnées par exemple par l’amputation des seins à cause du cancer
  • la chirurgie correctrice des anomalies et malformations n’engendrant pas de handicap chez les patients. On parle ici des becs-de-lièvre, des taches de vins, …

Plus tard, Léon Dufourmentel en parle comme de « traitement de la laideur ».

La chirurgie esthétique, reconnaissance officielle

Après les différents termes utilisés pour qualifier ce qui deviendra finalement la « chirurgie esthétique », d’autres techniques ont vu le jour comme celui du lifting facial. Ce dernier a été présenté auprès de l’Académie de médecine dès le mois de juillet 1919.

Face à la notoriété de cette méthode, d’autres ont suivi comme le prolapsus mammaire, la chirurgie de l’obésité, la rhinoplastie, la prose mammaire, la liposuccion, … Dans la foulée, des techniques visant à lutter contre le vieillissement sont également apparues.

La xénogreffe

C’est durant cet essor de la chirurgie reconstructive que la méthode de Charles Brown-Séquard ressurgit grâce au docteur Serge Voronoff. Chirurgien gynécologue, ce dernier s’est inspiré des études du physiologiste pour se lancer dans la médecine expérimentale de la transplantation de glandes endocrines à savoir la thyroïde et les ovaires. Au départ, il a mené ses expériences sur des animaux de même espèce, mais par la suite, il a essayé de transplanté la thyroïde d’un singe sur un homme. C’est ce qu’on appelle xénogreffe.

Après une xénogreffe réussie, son travail fut communique à l’Académie de médecine en 1914. Il tente par la suite de greffer des testicules de singes sur deux patients, mais les greffes ont été rejetés. Quoi qu’il en soit, l’expérience a apporté des changements positifs sur l’un des patients, notamment la repousse de sa barbe.

Il réalise encore plusieurs autres interventions, et finalement la xénogreffe fut abandonné à la fin des années 20 pour revenir à la chirurgie esthétique pure, comme on la connaît jusqu’à aujourd’hui.

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