Mistel :un avion non conventionnel

 
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Le mistel combinaison d’un vieux bombardier type JU-88 et d’un chasseur BF109

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Ce fut au début de l’année 1941 qu’un pilote d’essais de Junker, Siegfried Holzbauer suggéra son idée au RLM (ministère de l’aviation allemande ) de faire usage des carlingues du JU-88 tombé en désuétude en tant que bombe volante guidée vers sa cible par un appareil transporteur fixé sur son dos. Cette idée unique fut finalement approuvée deux ans plus tard et une série de vols d’essai commença en juin 1943.

Le compartiment d’équipage à l’avant de l’appareil du JU-88 fut remplacé par une énorme charge explosive de 1.8m. de diamètre pesant 3.5 tonnes, et un appareil transporteur BF-109 fut fixé au dos de la bombe à l’aide d’une superstructure DFS consistant en une paire de tripodes et d’un seul support d’aile. La première conversion fut appelée Mistel 1. Il avait pour but d’attaquer la flotte britannique à Scapa flow en décembre 1944, mais l’opération fut reportée et finalement abandonnée. La seconde version, le Mistel 2 accouplé avec un FW-190A-6 fut complété en novembre 1944.
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Un réservoir largable modifié avec une capacité de carburant augmentée fut fournie au FW-190 et le JU-88 transportait un réservoir à carburant conçu spécialement pour un vol longue distance pour parcourir le long trajet nécessaire à l’opération  » Iron hammer  » prévue pour mars 1945 pour une attaque de 100 Mistel 2 contre l’industrie d’armement soviétique, les centrales électriques comprises.

1942: depuis le début du conflit, le haut commandement allemand se trouvait confronté à un problème crucial: la Home Fleet, la toute-puissante flotte de guerre britannique, mouillée dans la rade de Scapa Flow, verrouillait la Mer Baltique et la Mer du Nord, réduisant les bâtiments de surface de la Kriegsmarine à une prudente inaction. Museler Scapa Flow fut, dès le début du conflit, une des priorités. Il y eut bien l’intrépide incursion de l’U-Boot de Günther Prien qui, dans la nuit du 13 au 14 octobre 1939 , donna du baume au cœur des Allemands, mais cette action d’éclat ne réglait en aucun cas le problème. Quant à aller attaquer Scapa Flow par la voie des airs, la Luftwaffe ne disposait pas de bombardiers lourds en mesure de le faire.
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C’est dans ces circonstances que le Flugkapitän Siegfried Holzbauer, chef des pilotes d’essais de chez Junkers, pensa à récupérer l’idée originale mais déjà oubliée de Robert Mayo et de la proposer en 1942 à une Luftwaffe qui cherchait désespérément à faire sauter le verrou de Scapa Flow. Comment aller attaquer Scapa Flow si éloignée avec de lourdes charges? En offrant un voyage aller sans retour à des Junkers Ju-88 en fin de carrière, sans pilote, et équipés d’une lourde charge explosive. Un chasseur (Messerschmitt Bf-109 au début) chargé sur le dos, à la manière du Mercury sur le Maïa, était chargé de piloter l’ensemble jusqu’à la cible. Restait au pilote à guider le porteur chargé d’explosif en trajectoire de « crash » sur la cible, à séparer son chasseur du vieux Ju-88 qui allait terminer sa course sur l’objectif.
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Le RLM (Reichsluftfahrtsministerium)

se montra intéressé et Junkers expérimenta au printemps 1943 une combinaison élaborée à partir d’un Ju-88A et d’un Messerschmitt Bf-109F, après avoir effectué des essais à partir d’un planeur DFS 230.
Ce système avait requis des techniques spéciales, en particulier des commandes électriques à partir desquelles le pilote placé dans le chasseur-guide pouvait piloter son porteur. L’avion-guide reposait sur des profilés en acier auxquels il était assujetti par des boulons explosifs.
Le décollage s’effectuait sur ses trois moteurs, le chasseur pompant son carburant dans le JU-88 afin d’avoir le plein pour son retour (ce dispositif ne fonctionna pas quand on utilisa des Focke-Wulf FW-190A qui utilisaient un carburant n’ayant pas le même indice d’octane). Le vol s’effectuait à basse altitude pour échapper aux radars et, à quatre kilomètres de l’objectif, le « Vater und Sohn » montait jusqu’à 800m.
Lors de l’attaque, le pilote engageait l’ensemble dans un semi-piqué, avec une pente de 30°, à la vitesse de 650 km/h. Une fois la cible bien verrouillée dans le collimateur, il engageait au moyen de ses commandes électriques le pilote automatique du Ju-88 ,faisait exploser le boulon explosif de l’étai arrière et plaçait son chasseur dans une position légèrement cabrée par rapport à l’avion porteur. Il lui restait à faire exploser les autres boulons pour se libérer et retourner à sa base.
Cette arme non conventionnelle séduisit suffisamment le haut commandement allemand pour que celui-ci l’envisage pour des objectifs prestigieux: le port de Leningrad, Gibraltar et bien entendu Scapa Flow.
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En mai 1944, une unité de 5 Misteln gagna le Danemark avec Scapa Flow comme objectif

Les Alliés ayant débarqué, on rapatria rapidement les composites à Saint-Dizier (France) pour une mission moins ambitieuse: les navires alliés au mouillage en baie de Seine. L’attaque eut lieu dans la nuit du 24 au 25 juin 1944. Un pilote découvert par un Mosquito anglais se sépara de sa charge. Il est vrai qu’avec une vitesse de croisière d’à peine 380 km/h, un Mistel une fois repéré est une proie facile. Les quatre autres appareils réussirent leur mission et les chasseurs rentrèrent sans dommage à leur base. Les dommages n’atteignaient pas le niveau de destruction escompté, mais le procédé avait enfin fait ses preuves.

La Luftwaffe se tourna alors à nouveau vers Scapa Flow

De mauvais temps en nuits claires peu propices à une attaque par des appareils aussi lents, la date de l’attaque fut repoussée de jour en jour, jusqu’au 11 novembre. Le Tirpitz qui était une menace permanente pour la Home Fleet fut coulé dans un fjord norvégien. La flotte britannique, soulagée par cette disparition, put disperser ses forces. L’intérêt stratégique d’une attaque de Scapa Flow disparut en même temps que la rade se vidait des bâtiments de la Royal Navy.

A cette date, la supériorité aérienne des Anglo-américains était telle à l’Ouest qu’il n’était plus envisageable de prendre le risque d’engager les Misteln sur ce théâtre d’opérations. On ressortit des cartons le projet « Eisenhammer », datant de 1941, qui avait été enterré en attendant que la Luftwaffe dispose d’un vecteur stratégique adapté. Le projet était démesuré: pas moins de cent Misteln, accompagnés d’une armada impressionnante (dont des Dornier 217K porteurs de bombes planantes Fritz X), devaient attaquer et détruire les trois centrales électriques géantes qui fournissaient le gros de l’électricité de l’industrie soviétique, à Léningrad, au nord de Moscou et dans l’Oural. Ce qui apparut très vite aux yeux des pilotes, c’est que jamais leurs chasseurs n’auraient l’autonomie voulue pour leur retour. On alla jusqu’à leur donner des rations de survie et quelques notions élémentaires de langues locales, leur suggérant de se poser dans de petites poches encore tenues par des combattants favorables au Reich.

Rassembler une telle quantité de Misteln demandait du temps. La météo elle-même retarda l’opération, jusqu’à ce que les bases prévues pour le départ des appareils soient tantôt détruites par des bombardements anglo-américains, tantôt tombées aux mains des Soviétiques.

Au printemps de 1945

L’heure n’était plus aux opérations ambitieuses, mais à des plans plus modestes et donnant des résultats immédiats: freiner l’avancée soviétique. Le 1er mars 1945, ordre était donné au Kommodore de la KG 200 de détruire les cent vingt ponts sur l’Oder, la Neisse et la Vistule. Une opération adaptée aux appareils, mais une tâche bien trop importante compte tenu de la multitude des objectifs! Les coups au but couronnés de succès ne manquèrent pas, mais les homme du génie de l’Armée Rouge établissaient des pontons de secours dans les heures qui suivaient, rendant ces attaques vaines.

La dernière attaque des Misteln eut lieu le 26 avril 1945 sur l’Oder. Sur les sept appareils engagés, seuls deux FW 190 rentrèrent. Le lendemain, le II/KG 200 était dissous et son personnel était muté dans les troupes terrestres, crépuscule de dieux oblige.

Le mistel: une arme redoutée

Les premiers essais du système d’armes « Vater une Sohn » avaient eu lieu à la base secrète de la Luftwaffe, à Peenemünde, sur la Baltique, lieu étroitement surveillé par les appareils d’observations alliés. En avril 44, un appareil de reconnaissance avait ramené des clichés montrant un appareil peu conventionnel qui fut identifié comme étant un Ju 88 portant un Bf 109. Cette observation corroborait les dires d’un soldat allemand prisonnier des alliés et qui affirmait avoir vu voler un « avion-gigogne ».

L’inquiétude fut vive chez les Britanniques qui, sous les coups des V1, craignaient que ces appareils composites ne fussent utilisés contre les agglomérations anglaises. L’autre question que se posèrent les stratèges alliés fut le nombre des appareils construits. En effet, conscients de la vulnérabilité de ces machines, les Allemands les laissaient peu de temps stationnés sur la même base, si bien que les appareils de reconnaissance alliés les signalaient un peu partout. Ces craintes se renforcèrent lorsque, soit en raison de l’inexpérience d’un pilote, soit par déficience mécanique, un Mistel s’écrasa en Grande-Bretagne, suscitant outre un émoi certain, la curiosité des techniciens qui purent l’étudier à loisir.

En raison des multiples avatars dont furent victimes les unités de Misteln, ces craintes ne furent pas confirmées. Autour des usines Junkers de Mersenburg, les Américains purent découvrir en mai 1945, disséminés, une cinquantaine de ces étranges appareils qui ne firent pas l’objet de réelles études après guerre. Arme de circonstance, le Mistel fut desservi par le hasard des armes et ne connut pas la destinée de bien d’autres projets de la Luftwaffe qui furent promptement récupérés par les Alliés.

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Comments (1)

  1. Moulon dit :

    tres instructifs à recommander.!!!

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