Préambule:

 

Les raisons d'une bataille:

Le syndrome de Tsushima apparaît. La victoire de l'Amiral Togo contre la flotte russe en mai 1905 a tant marqué l'esprit japonais, qu'on ne voit plus d'autre alternative à la grande bataille navale d'anéantissement. Et pour cela on compte aussi sur les cuirassés (léger retour en arrière en terme de tactique...). C'est l'occasion tant espérée par Yamamoto qui arrive enfin. Son rêve va peut-être se réaliser: engager tous les porte-avions américains et les détruire. Pour cela il imagine les attirer en s'emparant de Midway. Ce sera une menace insupportable pour les U.S.A. et forcément ils mettront toutes leurs forces à défendre ce bout de terre.

 

L'amiral Yamamoto

Ensuite plus rien ne pourra s'opposer à la domination japonaise sur le Pacifique entier. La route d'Hawaii, et des côtes de Californie sera ouverte. L'ordre impérial n°18 lui confie la responsabilité de l'opération "MI". Ce que les japonais ne savent toujours pas, c'est que les américains décodent en partie leurs transmissions.

Les forces en présence:

-Midway ressemble à Wake. Normal c'est un atoll. Il se situe à mi-chemin de celui-ci et d'Hawaii, légérement décalé au nord. Sur les deux îlots, Sand et Eastern, les défenses ont été renforcées mais l'étroitesse du terrain interdit une énorme concentration.

L'atoll de Midway

Déjà s'y entassent pêle-mêle hommes et matériel. Les Marines du sixième bataillon avec à leur tête le Colonel Shannon, les pilotes de la Navy, de l'U.S Army, les unités du génie côtoient des appareils disparates, l'artillerie, barbelés, lance-flammes, les hangards de maintenance, un hôpital, une centrale électrique et de désalinisation, les champs de mines etc... Les réservoirs ont été enfouis sous le sable. Sur la liste des appareils présents à Midway on compte 20 Buffalos essoufflés, 7 Wildcats, 16 Dauntless, 11 Vindicators à la limite de l'autorisation de vol, 32 hydravions PBY, 6 Avengers, 19 B.17 Flying Fortresses, 4 B.26 Marauders. La coordination et le commandement général sont assumés par le Capitaine de frégate Cyril T. Simard.

Les "Flying Fortress" de Midway, B-17E US Army Air Force

-Côté Japonais, c'est la plus grosse armada que l'on puisse imaginer qui s'éloigne des côtes japonaises le 26 mai 42. L'Amiral Boshiro Hosogaya avec 2 porte-avions, le Ryujo et le Junyo, 5 croiseurs et 2 convois de débarquement, prend la route des iles Aléoutiennes tout au nord (on ne saura sans doute jamais pourquoi Yamamoto imagina de s'emparer simultanément de ces îles perdues et de Midway au lieu de concentrer ses forces sur un seul objectif, s'agissait-il d'une diversion?) En plus du code cassé par les américains, cette division des forces est le deuxième handicap pour les japonais. Nous verrons qu'il y a pire, la malchance jouant son rôle à sens unique. Au sud, le pavillon amiral est sur le formidable cuirassé Yamato aux canons inégalés de calibre 460mm! Un monstre!

Le Yamato

Il est entouré par les cuirassés Nagato, Mutsu, Ise, Hyuga, Fuso, Yamashiro. Trois croiseurs, deux divisions de destroyers et le porte-avions Hosho le frère du Shoho, les accompagnent. Sans compter les transports d'hydravions. Devant, Nagumo a la responsabilité de 4 porte-avions, le Soryu, l'Akagi, le Kaga, l'Hiryu. Il y aurait pu en avoir six, si le Zuikaku et le Shokaku n'avaient subit des dommages dans la Mer de Corail. Les 250 appareils transportés sont aux mains des pilotes qui ont brillé à Pearl-harbor. Le cuirassé Kirishima et le Haruna les escortent. On trouve aussi dans ce groupe de choc, 12 destroyers, 2 croiseurs. Encore plus au sud, s'avance le groupe de débarquement dirigé par l'Amiral Kondo. Il est soutenu par les cuirassés Kongo et Hiei, 20 destroyers, 9 croiseurs, des drageurs de mines, des transports d'hydravions, 4 tankers. Dans ce raid vers Midway, la flotte impériale paraît indestructible. D'autant que du côté de la Navy on n'aligne que 3 porte-avions (en réalité 2 sont en mesure de combattre, l'Enterprise et le Hornet. Le Yorktown vient d'être "retapé" provisoirement après les coups encaissés dans la Mer de Corail, le Saratoga est en réparation à San Diego) 2 cuirassés, 9 croiseurs, 30 destroyers.. Le dernier dispositif japonais consiste en un rideau de sous-marins patrouillant approximativement entre Midway et Pearl-harbor.

 

L'action:

Nimitz qui bénéficie de renseignements solides, concentre ses forces sur le théatre de Midway. Dès le 4 mai, il sait qu'une grande opération se prépare et par subterfuge, que l'un des objectifs, "AF", c'est Midway. Les ordres qu'il donne au contre-amiral Spruance sont simples: "Défendre Midway et infliger à l'ennemi le maximum de dommages". A Simard il fait parvenir le message radio suivant: "Vous serez attaqué le 4 juin..." Le point de ralliement des bâtiments américains se situe à 300 milles au nord-est des côtes de l'atoll. A partir du 30 mai, des vols de reconnaissance d'hydravions japonais et le déploiement du rideau de sous-marins au large de Pearl Harbor sont perturbés ou retardés pour de malencontreux problèmes d'approvisionnement en carburant. Le rendez-vous avec la Task Force 16 qui fait route vers Midway est raté. Le 3 juin, la flotte impériale avance dans le mauvais temps. Pour certains c'est un bon signe qui rappelle la route suivie pour l'attaque de Pearl Harbor. Le brouillard influe sur le moral de Nagumo. Il fait réduire la vitesse par peur de collisions. Le silence radio, l'absence de reconnaissances aériennes le plongent dans l'incertitude. D'autant qu'il a une double mission: bombarder Midway pour permettre le débarquement, et détruire la flotte américaine. Par quoi commencer? Et où sont les porte-avions ennemis? pour couronner le tout, Minoru Genda, le stratège de l'aéronavale, est malade au point de ne plus quitter sa cabine. Ses avis éclairés manquent à Nagumo dans les délibérations avec son état-major. Enfin une décision est prise: puisqu'on a aucun renseignement sur la flotte ennemie, autant commencer le bombardement, le débarquement étant prévu le 5. Le 4 juin, à 4h30 du matin, Nagumo lance une première vague d'appareils sur Midway (72 bombardiers, 36 chasseurs). Une deuxième force (bombardiers et torpilleurs) est prête sur les ponts d'envol. On pourra toujours la redescendre rapidement au retour de la première vague. De cette façon, si la flotte américaine est repérée, la deuxième force s'envolera vers son objectif sans délai! Nagumo court deux lièvres à la fois. Pour se rassurer, il envoie aussitôt 7 hydravions en éventail vers le sud-est à la rencontre d'une éventuelle flotte ennemie. Un terrible coup du destin intervient à cet instant. L'hydravion du croiseur Tone est en panne, il ne peut décoller. Par la route qu'il devait suivre, c'est lui qui aurait pu signaler la présence de l'ennemi, donner sa position exacte, décrire la composition de cette force, et c'est primordial dans la bataille qui se prépare. A 0545 les PBY de Midway repèrent les japonais. Le lieutenant William Chase aux commandes de son catalina transmet: "beaucoup d'avions / position 320° / distance 240 km / direction Midway". Quelques instants plus tard, à 0552, Le lieutenant Howard Ady perçant les nuages, aperçoit la flotte de Nagumo à une trentaine de km devant lui: "...C'est le plus grand spectacle qu'on puisse imaginer ". De nouveau, Chase relaie conscienseusement la découverte: "...2 porte-avions / 2 cuirassés / position 320° / distance 288 km / direction 135° / vitesse 25 noeuds " ! A Midway, tout ce qui a des ailes reçoit l'ordre de partir au combat. Les chasseurs défendront la base, les bombardiers s'occuperont des bâtiments ennemis. Ces derniers sont regroupés en deux vagues. En tête les torpilleurs Avenger accompagnent les Martin B-26 Marauders. Derrière eux, Dauntless et vindicators doivent finir le travail. 0616 - le commandant de Marines Floyd Parks qui tente de prendre le plus d'altitude possible avec ses Buffalos et Wildcats (VMF-221), tombe à une soixantaine de km des plages de Midway sur une formation de 36 kates, de 35 vals, et une escorte de 36 Zéros. 25 chasseurs américains sont mis immédiatement hors de combat, dont 17 sont abattus. La voie est libre pour les bombardiers japonais. De 4000 mètres, ils déversent leurs charges mortelles sur les deux îlots. La DCA ne leur fera pas grand mal, mais la précision du bombardement en est affectée même si du sol toutes les installations semblent brûler. En réalité, c'est un échec. Les pistes d'envol ne sont pas touchées. C'est l'hôpital, les réservoirs, la centrale électrique qui ont le plus souffert. Les défenses sont intactes; le lieutenant Tomonaga qui mène le raid en a conscience et il réclame un deuxième bombardement.

Les effets du bombardement japonais

07 h 10 - Un autre moment dramatique commence... Les PBY qui tiennent toujours l'air, ont guidé les bombardiers de Midway sur les porte-avions ennemis. Les pilotes américains vont montrer de quoi ils sont capables. Leur courage et leur sacrifice ne suffiront pas. La tactique qui a été prévue se résume en deux mots: "attaque générale "! On imagine ainsi qu'il y aura bien quelques appareils qui pourront échapper aux Zéros et toucher leurs cibles. Le manque de coordination entraîne au contraire des attaques successives. Les 6 Avengers de tête emmenés par le lieutenant Fieberling se précipitent au ras de l'eau sur leurs proies. Le feu des défenses japonaises les encadre de toutes parts. Les flocons de la DCA avec leur onde de choc et leurs éclats se rapprochent inexorablement, puis labourent la formation. Les Zéros se placent dans les "six heures". C'est mission suicide pour les Avengers, mais ils continuent! Jusqu'à ce que les uns après les autres, ils plongent dans l'océan. Un seul pilote réussit à prendre le chemin du retour; (On trouve une contradiction entre les rapports fait à chaud et les récits plus récents. On estimait que les Avengers avaient été détruits avant d'avoir atteint leur distance de lancement. Il semble au contraire que trois d'entres eux aient pu tirer leur torpilles sans dommages pour les porte-avions et que l'un des ces trois ait voulu se jeter sur l'Agaki.)

TBF-1 Avenger - Le seul survivant du VT-8 (torpedo squadron 8).
Equipage:
Pilote Albert K.Earnest, vivant
Radio Harrier H. Ferrier vivant
Mitrailleur Jay D.Manning mortellement blessé durant l'attaque

Impacts de projectiles sur la tourelle du mitrailleur Jay D.Manning

Les 4 B-26 de l'Air Force passent à l'attaque. Objectif: éventrer les porte-avions à la torpille. La taille importante de ces avions juste au-dessus de la surface en fait une cible de choix qui concentre tout le feu de la flotte japonaise. C'est un mur de traçantes alimenté de shrapnels qui se dresse devant eux. Les pilotes américains foncent tête baissée. Deux Marauders sont immédiatement touchés de plein fouet. Par radio à Midway et sur les passerelles de commandement des porte-avions américains, on entend une voix blanche qui s'élève "Oh! Maman si tu me voyais..." Autour des haut-parleurs certains ont les larmes aux yeux... Les deux autres Marauders sauvent leur peau non sans avoir arraché l'antenne radio de l'Akagi. On comptera sur leur fuselage plus de 1000 impacts de projectiles divers.Ttout cela s'est passé en 5 minutes. 0755 - Les 16 Dauntless du corps des Marines ( VMSB-241 Naval marines Scout Bombers)entrent en scène. Ils sont guidé par le Major Lofton Henderson. Il a pris la décision d'effectuer un "Glide bombing", un bombardement en glissade avec un angle moins important que le bombardement en piqué à 70 degrés. La défense anti-aérienne est toujours aussi virulente. Au moins, les mitrailleurs arrières infligent des dommages aux Zéros. L'appareil d'Henderson en feu, c'est le capitaine Elmer Glidden qui prend la relève. Les Dauntless attaquent à intervalles de 5 secondes. Le groupe touche par deux fois les navires ennemis, mais l'attaque est disloquée. Les pilotes payent cher leur bravoure. Un Dauntless sur deux rentrera à Midway et dans quel état! 0810 - Les 15 B-17 forteresses volantes du lieutenant-colonel Sweeney apparaissent à 6000 mètres d'altitude. Les chasseurs japonais qui s'approchent un peu trop se font assaisonner. Les autres se tiennent à une distance prudente. Malgré cette toute relative tranquilité, le bombardement est un fiasco. Les 11 "Vibrators" pardon "Vindicators" du Major Benjamin Norris (VMSB-241) tentent eux aussi d'approcher les porte-avions. En vain. On ne relève dans les rapports d'attaque aucune efficacité notable; les malheureux vont laisser tout de même 5 appareils sur le champ de bataille. A noter côté japonais l'exploit du lieutenant de vaisseau Iyozoh Fugita qui s'illustre par une nouvelle tactique d'attaque et 10 victoires. Au lieu de chercher à se placer dans les "six heures" des appareils américains, il pique sur les formations ennemies, les traverse sans cesser de tirer et surprise, voit trois appareils exploser; Au deuxième passage, il s'offre ainsi quatre torpilleurs. Finalement trois autres chasseurs feront encore les frais de ses manoeuvres. En récompence, Fugita est abattu par les siens. Il réussit à sauter et passe quatre heures dans l'eau avant qu'un destroyer ne le repêche. On pourrait croire que les japonais ont encore toutes leurs chances: Aucun porte-avions n'a été touché sérieusement, la force aérienne de Midway est réduite au minimum pour ne pas dire détruite. Jusqu'à cet instant la suprématie japonaise dans le Pacifique se confirme, et pourtant...

Mais revenons un peu en arrière plus précisement à l'hydravion de reconnaissance du croiseur Tone. On a enfin réparé son moteur. A 0505 il a pu décoller avec 45 minutes de retard sur ses collègues. Dans l'esprit de Nagumo à cet instant, aucune force n'est présente pour défendre Midway. Kondo va pouvoir débarquer sans encombres. Yamamoto arrive avec ses forteresses flottantes. Les 4 porte-avions sont une assurance de victoire. Tellement, qu'on a pris la décision de reéquiper les bombardiers pour un deuxième raid sur Midway. Soudain à 0728, le message de l'hydravion retardataire boulverse la donne: "...signale une concentration d'une dizaine de navires... position 10° / distance 360 km de Midway / direction 150° / vitesse 30 noeuds..." Moment crucial. La concentration ennemie devient la cible prioritaire si des porte-avions sont signalés. Le message est trop vague sur ce point. De plus et quelque soit la décision, on est prisonnier du temps. En gros, il faut à nouveau équiper les appareils en torpilles, il faut aussi attendre que les avions du raid Midway appontent avant de faire monter les torpilleurs et les bombardiers sur les ponts d'envol. On a souvent souligné l'erreur de jugement de Nagumo, or on voit bien qu'il est dors et déjà pieds et poings liés. Le manque de renseignement lui a été fatal. A 0809, nouveau message: "... concentration ennemie / 5 croiseurs, 5 destroyers..." Toujours pas de porte-avions, c'est rassurant mais que faire? Genda sorti de son isolement prescrit de récupérer tous les avions en vol, ceux du raid et les chasseurs de défense de la flotte. Après ravitaillement toutes les forces seront prêtes au combat. Autrement dit, on repart à zéro. Rien n'est perdu. Troisième message: " ennemi accompagné de ce qui paraît être un porte-avions"! Toujours ce problème de renseignement... Ce n'est pas un porte-avions américain mais trois qui s'avancent. Pourtant Nagumo prend la bonne décision. Il communique à ses commandants: "après ravitaillement, entrons en contact avec forces ennemies et les détruisons" 0900 - Les appontages sont finis. On réapprovisionne en carburant. Bombes et torpilles s'entassent sur les ponts et non dans les magasins prévus à cet effet, ce qui serait moins dangereux. Priorité au lancement des appareils. Nagumo souhaite l'achèvement de la manoeuvre à 1030. L'Hiryu en tête suivi de l'Akagi fait route au nord. Le Soryu et le Kaga sont sur les flancs. 09 h 18 - Une alerte aérienne est lancée par les destroyers escorteurs.

 

A SUIVRE...

Approche et mouvements des différents groupes autour de Midway

Mai 2001  Dominique magdeleine