LA BATAILLE DE «LA MER DE CORAIL»

(MAI 1942)



Préambule:

De Wake à la Mer de Corail... Bien entendu, il s'agit d'un raccourci. Il y eut en effet des évènements durant cette période qui se résument à une suite d'opérations. Mais rien de vraiment décisif. Par exemple la contre-attaque dans les îles Marshall et Gilbert, et l'approche de Rabaul, mentionnées dans le livret CFS 2.
Nimitz ne se contentant pas de la mission confiée par l'Amiral King au début 42 (protéger les abords de l'Australie), se propose de tenir tête à l'avancée niponne. Le 1er février, partant de l'Enterprise, quelques vagues de bombardiers s'en prennent aux positions japonaises de l'île de Kwajalein dans les Marshall, tandis que le Yorktown plus au sud, envoit ses appareils sur les îles Makin et Jaluit dans les Gilbert. Les résultats sont contrastés. L'attaque de Fletcher sur les Gilbert n'a pas fait grand mal aux soldats du Mikado, alors qu'au Nord la partie a été plus chaude. L'Enterprise a été touché, une trentaine d'appareils américains ont disparu. Mais la base ennemie de Kwajalein a reçu un rude coup. On y a même vu un amiral japonais y perdre la vie. Tout ceci peut sembler bien maigre mais il n'en fallait pas plus pour redonner le moral aux troupes et inspirer aux journaux US ce titre, "Pearl Harbor est vengé" rien que ça! Le 20 février c'est l'échec de la "task force" du Lexington qui tente un raid sur Rabaul. Ce sera l'occasion de rudes combats entre F4F et bombardiers Betty.

Les raisons d'une bataille:

Après les premières déconvenues, l'Amérique se lance dans une production de navires, d'armes et d'avions, d'une envergure folle. Désormais, la suprématie aérienne dans le Pacifique est l'objectif primordial. Dès février 42, Washington sait par décryptage et recoupements que les japonais envisagent la conquête de la côte sud de la Nouvelle Guinée. Précisement c'est la base de Port-Moresby qui les intéresse au plus haut point. Pourquoi? Parce qu'elle se trouve à 300 milles des côtes australiennes (presqu'île de York). Et puisqu'ils possèdent maintenant la plus grande base du Pacifique Sud à Rabaul et la côte nord est de la Nouvelle-Guinée, la menace sur le continent australien devient patente. D'ailleurs l'inquiètude est vive côté australien. On imagine abandonner une partie du continent et pratiquer la politique de la terre brûlée. Les ranchers font déjà migrer les milliers de têtes de leurs troupeaux. L'état major impérial lui, semble ne plus savoir où donner de la tête après toutes ses conquêtes foudroyantes. La nécessité de prendre Port-Moresby ne fait pas de doute, mais on voudrait aussi établir une ceinture de sécurité un peu plus au sud-est, s'emparer de Tulagi dans les îles Salomon méridionales et menacer la Nouvelle-Calédonie, les Fidji. De plus la force navale de Nagumo revient d'une campagne victorieuse dans l'Océan Indien. A peu près rien n'aurait pu l'empêcher de faire jonction avec ses alliés allemands en Egypte. Mais on l'a rappelé...
Tandis que Nagumo se dirige vers le Japon, on détache 2 porte-avions vers le sud-est pour soutenir "l'opération MO". Pour gagner du temps et ralentir les japonais, l'état major américain a utilisé la tactique du harcèlement avec des escadres légères. Cette fois l'enjeu est d'une autre taille.

grand format

Les forces en présence:

Les japonais ont constitué 3 groupes:
-le groupe des porte-avions constitué par la 5ème division de l'escadre de Nagumo (Zuikaku, Shokaku) est dirigé par le Vice Amiral Takéo Takagi. Chacun des porte-avions transporte 21 chasseurs Zéro, 21 bombardiers type 99 Val, 21 bombardiers type 97 Kate.
-le groupe de débarquement qui part de Rabaul (objectif Port-Moresby en contournant la côte Sud-est de la Nouvelle-Guinée) comprend 11 navires de transport, 3 croiseurs, 4 croiseurs lourds, et le porte-avions Shoho qui transporte 16 Zéros, 12 Kates. Les japonais ont jugé plus interessant de passer par la mer que de traverser l'île, sa jungle dangereuse et ses montagnes sauvages de l'Owen Stanley Range.

-Le renfort de l'aviation basée à terre. La 25ème Flotte aérienne est à Rabaul, à Laé puis à Tulagi. Elle comprend 60 zéros, 48 bombardiers Nell type 96 plus 16 hydravions Mavis.
L'opération "MO" est commandée par le Vice-Amiral Shigeyoshi Inoué (ou Shigayoshi Inouyé, on trouve les deux écritures)

Les américains ne peuvent compter que sur deux porte-avions, le Yorktown avec l'Amiral Fletcher et le Lexington (Lady Lex) qui arrive de Pearl Harbor. C'est la task force 17. Au point de rendez-vous "point buttercup" arrivent aussi 2 croiseurs lourds, le Chicago et le Perkins. Il y a aussi 2 croiseurs australiens "Australia" et "Hobart" plus 8 destroyers. La jonction a lieu le 1er mai à 300 kilomètres à l'ouest des Nouvelles-Hébrides

L'action:

Les japonais débarquent le 3 mai à Tulagi voisine de Guadalcanal. Le 4, 80 appareils du Yorktown Attaquent Tulagi et affaiblissent le potentiel nippon. A l'état-Major impérial ont a désormais la certitude qu'il y a bien 2 porte-avions américains dans le secteur.Le Zuikaku et le Shokaku contournent les Salomons au nord et redescendent vers la Mer de Corail. A l'Ouest, la force d'invasion et le porte-avions Shoho s'approchent de la Nouvelle-Guinée. Les américains se précipitent à leur rencontre. Le 7 à midi, les avions japonais (3 groupes de bombardiers) partis du Zuikaku et du Shokaku surprennent les navires d'accompagnement américains au beau milieu de la Mer de Corail. Ils envoient par le fond sans autres formes de procès le destroyer Sims en moins d'une minute. Les matelots américains qui survivent à cette attaque vont connaîtrent un calvaire de 10 jours sur leurs canots de sauvetage. 70 d'entres eux seulement survivront. Le pétrolier Neosho a plus de chances. Il reçoit 7 coups au but. Dévoré par les incendies, cerné par les colones d'eau soulevées par les bombes japonaises, il resiste encore. Le croyant perdu, les agresseurs abandonnent la partie. Quatre jours plus tard, un destroyer viendra à sa rescousse. N'empêche, les japonais ont perdu 6 appareils dans l'affaire pour des cibles de second ordre.
C'est maintenant au tour des torpilleurs du Lexington de surprendre le convoi de débarquement japonais. A 11 heures du matin le Capitaine Ault le repére et engage immédiatement 2 zéros qui patrouillaient dans la zone du Shoho. L'alerte est donnée et le porte-avion se met au vent pour lancer ses chasseurs. Trop tard! Les bombardiers et des torpilleurs du Yorktown qui viennent d'arriver sur zone (ils sont 93 en tout) passent à l'attaque. C'est la curée. Six zéros tentent de s'interposer, rien n'y fait. Bombes et torpilles sous la ligne de flotaison ravagent les structures du bâtiment. Le Japon perd là son premier porte-avions et 675 hommes d'équipage sur 900.


le Soho


il lui rest peu de temps  !


Le Shoho va bientôt couler.

Le second acte va commencer. Pour la première fois dans l'histoire de la guerre, des navires s'affrontent sans jamais se voir. Le 8 mai voit les deux flottes se préparer fièvreusement à la bataille. Juste avant l'aube, le Lexington envoi 18 appareils vers le nord pour trouver l'ennemi. L'Amiral Hara envoit ses observateurs au sud et presque aussitôt à 7h 15 le Capitaine de corvette Takahashi s'envole avec 18 chasseurs d'escorte, 18 torpilleurs, 33 bombardiers en piqué. Ils se regroupent et disparaissent au sud. Le Zuikaku et le Shokaku forcent l'allure à 25 noeuds. Les protagonistes sont à moins de 300 kilomètres l'un de l'autre.
A huit heures les 2 forces se repèrent mutuellement. Des torpilleurs emmenés par le Capitaine Taylor et protégés par des wildcats, attaquent les premiers le Shokaku. Mais les manoeuvres des pilotes sont désordonnées. Les Zéros se montrent très agressifs. Les torpilles américaines ratent leur cible d'autant que leur lenteur autorise les manoeuvres d'évitement. Deux bombes embrasent l'avant babord du Shokaku. Ce n'est pas assez. Une heure plus tard il peut s'échapper.

 

Le Shokaku sous une pluie de bombes américaines .
F4F-3 sur le point de décoller

Pendant ce temps, à 10h18, le lexington est la proie des japonais. Mais où sont les wildcats de la défense? 17 ont pu prendre l'air mais ne sont pas à l'altitude suffisante, soit n'ont pas assez de carburants. Ces erreurs vont se payer cher. Les japonais suivant un plan d'attaque précis larguent un éventail de 10 torpilles. Deux atteignent la cible.

Un Kate touché par le barrage anti-aérien lors de l'attaque du Lexington et du Yorktown

De son côté le Yorktown est salement endommagé. Une bombe de 800 livres l'a touché au coeur. 80 marins périssent instantanément. Le feu fait des ravages jusqu'au quatrième pont.



Les dégâts d'une bombe à bord du Yorktown

La bataille atteint son paroxisme à 11h30. C'est une mêlée furieuse. Les pilotes japonais attaquent de toutes parts. Les appareils américains en détresse ou à court de carburant percutent le pont ou finissent à la mer. Takahashi est tué. la moitié du groupe d'attaque japonais disparaît. Pour comprendre l'intensité du combat, il faut se référer aux propos du chef de groupe du Zuikaku, le capitaine de corvette Shimazaki: "Jamais, je n'avais imaginé un combat de cette sorte! Lorsque nous attaquâmes les porte-avions ennemis nous nous heurtâmes à une véritable muraille de feu anti-aérien; les porte-avions et les autres navires obscurcissaient le ciel avec leurs projectiles à traceurs et leurs éclatements. Il semblait impossible de survivre à pareil déchaînement de l'artillerie. Nos Zéros et les wildcats américains piquaient et tournoyaient au milieu de nos formations. Des avions des deux camps s'abattaient en flammes de tous les côtés. Sous ce véritable orage, je descendis presque au ras de l'eau pour lancer ma torpille sur le porte-avions du type Saratoga (en réalité le Lexington). Il me fallut voler à la crète des vagues pour échapper à ce feu fantastique. Je me trouvais si bas que je faillis m'écraser contre l'avant du navire, car j'étais bien en dessous du niveau de son pont d'envol. Je vis ses marins regarder fixement mon avion pendant que j'approchais. Je me demande si je pourrais revivre des instants aussi épouvantables."
Sur les navires c'est l'horreur. Les hommes brûlés agonisent, les équipes médicales ne font plus face, les fumées d'incendies empêchent d'estimer les dégats. Soudain les japonais se retirent. Sur le "Lady Lex" malgré les 2 torpilles et les bombes, la situation semble en voie d'être maitrisée. En réalité le feu couve dans les ponts inférieurs. Des explosions soudaines obligent le capitaine à faire évacuer. Ordre est donné à un destroyer américain d'achever le Lexington.

L'évacuation du Lexington.

Les dernières explosions du Lexington,
(on voit un appareil éjecté par le soufle)
Evacuation des rescapés.


Epilogue :

Dans cette bataille, les états-unis ont perdu 66 appareils, un porte-avions, 543 hommes, un destroyer, 1 pétrolier. le Yorktown doit être réparé. Les japonais un perdu le Shoho, 77 appareils, 1074 hommes.Les résultats sont certes décevant, mais le convoi pour Port-Moresby a fait demi-tour.L'Australie respire.


Fevrier 2001  Dominique magdeleine